Si la pensée scotiste continue d’utiliser un langage aristotélicien, elle ne conserve rien d’une structure de pensée aristotélicienne. Mettant en œuvre avec une vigueur spéculative peu commune toutes les applications possibles de la distinction formelle, elle crée un univers mental nouveau, fondamentalement original par rapport aux pensées précédentes, et son influence s’étendra en Europe jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Que l’on ne pense pas à une influence historique expresse (les philosophes modernes n’ont guère lu Duns Scot), mais bien plutôt à l’influence que peut exercer une structure de pensée dominante. Le cas de l’influence structurelle exercée aujourd’hui par une pensée de type dialectique, telle celle de Hegel ou de Marx, est éclairant de ce point de vue. Il n’est pas exagéré par conséquent de dire que le mode de pensée scotiste s’est répandu pour longtemps comme une odeur dans l’air, et que les esprits modernes l’ont respiré tout naturellement. Si bien que, en déployant leur pensée spécifique de la manière la plus originale, ils ne s’abstraient guère de la structure de pensée scotiste.