Il est difficile de porter un jugement sur la situation de la théologie en France. Et je suis sans doute moi-même trop engagé dans les tâches quotidiennes de la théologie — soit comme enseignant, soit comme directeur d’une collection de théologie dans une maison d’édition — pour avoir le recul nécessaire. En tout cas, dès que l’on sort de France et que l’on participe à des réunions internationales, on recueille une opinion largement partagée: depuis la fin du Concile de Vatican II, la théologie française n’a plus la même audience internationale qu’auparavant. Certains n’hésitent pas à déplorer le silence ou le désert de la théologie française. Je me souviens toujours de cette lettre ouverte adressée au Père Congar par Hans Küng en 1970: «Entre la seconde guerre mondiale et Vatican II, c’est surtout la théologie française qui n’a cessé d’élever la voix pour un renouveau de l’Eglise et de la théologie. Pourquoi, depuis le Concile, un si profond silence?… » Et je n’oublie pas que, lorsque la revue internationale Concilium fut créée en 1965, la seule section confiée à des Français (il s’agissait du P. Duquoc et de moi-même) fut celle de Spiritualité. Comme éditeur, je dois d’ailleurs constater combien nos ouvrages de dogmatique ou d’exégèse sont peu traduits à l’étranger — en particulier en Allemagne et aux Etats-Unis — alors qu’il y a toujours une demande importante d’ouvrages de spiritualité française.