Dans les traditions juives et chrétiennes, on trouve, à côté d’un ensemble d’écrits canoniques (ensemble dont la définition précise varie d’ailleurs selon les communautés), toute une littérature «deutéro-canonique» (ou «apocryphe») et pseudépigraphe. Depuis longtemps, les spécialistes – en particulier dans le monde anglo-saxon – ont pris l’habitude d’analyser cette littérature sous l’angle de la «réécriture» des traditions bibliques. Cette approche soulève toutefois plusieurs difficultés, en particulier parce qu ‘elle tient pour acquise lafixation des traditions bibliques au moment où se constitue ce qui deviendra la littérature «apocryphe». Au contraire, en dialogue avec plusieurs travaux récents, l’étude suivante défend et illustre l’idée qu ‘il convient d’approcher le problème du point de vue de la mise en place progressive de «traditions mémoriales» dans le judaïsme et le christianisme anciens. Dans ce processus complexe, le phénomène de la réécriture ne reflète pas nécessairement la soumission à un original considéré comme «autoritaire» ou normatif, mais témoigne bien plutôt de la très grande fluidité des traditions «scripturaires» recueillies par les communautés à cette époque.