En 1684, quand commence la correspondance qui fait l’objet de cet article, ni Jean Le Clerc ni Isaac Papin n’avaient encore assumé les rôles qu’ils devaient jouer dans les années suivantes: le premier, né à Genève en 1657, venait d’arriver à Amsterdam, à la suite de profonds démêlés avec l’orthodoxie calviniste, notamment avec son représentant le plus éminent, François Turrettini. Loin de la célébrité dont il jouira dans la République des Lettres grâce à son érudition théologique, philologique et exégétique, il enseignait à l’époque la philosophie au Séminaire des Remonstrants d’Amsterdam et n’avait à son actif que la publication d’une œuvre parue anonymement et dont il n’assumera jamais publiquement la paternité2. Quant à Isaac Papin, en 1684, après avoir étudié à Genève et Orléans, il continuait sa formation à Bordeaux: pour le neveu du théologien Claude Pajon, le temps n’était pas encore venu de son ordination dans l’Eglise anglicane, de sa dispute avec Pierre Jurieu, de ses pérégrinations en Hollande et en Allemagne et surtout de sa conversion au catholicisme, accomplie à Paris en 1690. Deux hommes jeunes, donc, encore en marge d’un monde culturel auquel ils participeront plus activement les années suivantes, mais dont ils avaient déjà saisi les problèmes et les inquiétudes; les lettres qu’ils s’échangent révèlent, en fait, l’effort d’esquisser une médiation, pas toujours originale et conséquente, entre les sollicitations de la « nouvelle philosophie» et les prérogatives d’une théologie à laquelle aucun des deux correspondants ne veut renoncer.