L’étude de la langue grecque aux origines – Homère et Hésiode – confirme celle de la mythologie et montre que la notion même de non-être n’ existe pas en Grèce à l’époque archaïque. La poétique homérique est une poétique de l’être, même quand il s’agit des Sirènes, montrées en pleine activité de mensonge. La poétique du mensonge (ou de la fiction?) apparaît, timidement d’ailleurs, avec Hésiode; mais il n’est jamais question du non-être à cette époque, même avec le terme χάος «vide». Personne ne s’étonnera de ce que la spéculation grecque sur le non-être commence, dans le vocabulaire aussi bien qu’en tant qu’objet philosophique, avec les Présocratiques, Xénophane et surtout Parmenide. C’est l’apparition du neutre singulier affecté de la négation (τὸ μὴ ὄν) au lieu du pluriel homérique jamais nié (τὰ ὄντα) qui nous semble le signe linguistique capital de cette évolution dans la pensée, à mettre en parallèle avec la désignation, à partir d’Anaximandre, de «l’infini» par un autre neutre singulier (τὸ ἄπειρον). Retour vers l’Odyssée enfin: la spéculation sur l’ambiguïté d’οὔτις. «personne», pronom susceptible de devenir un nom propre, pourrait constituer un témoignage sur la germination de cette réflexion sur le non-être à l’époque archaïque.