Un vocable fait défaut dans la première Epître de Pierre (1 P): le mot «église». Omission fortuite? Il ne semble pas. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard sur la salutation initiale. Comme celles des treize épîtres du Corpus paulinum, elle commence par le souhait de grâce et de paix. Mais la similitude s’arrête là. Sur les neuf lettres pauliniennes qui s’adressent à une communauté, cinq portent la mention «à l’Eglise qui est à », «à l’Eglise des …» ou «aux Eglises de …», les quatre autres désignant les destinataires sous le nom de «saints». Pierre se singularise en disant «aux étrangers» — on pourrait aussi traduire: «aux gens de passage», «aux résidents temporaires» de la diaspora. Pierre évite donc le nom «église». Si l’on doute de son propos délibéré, la fin de la lettre est là pour dissiper les hésitations. En effet, la salutation finale transmet les messages de la communauté réunie autour de l’auteur. Dans un langage cryptique, celle-ci est nommée «la coélue qui est à Babylone» (5,13). Admettons, ce qui est vraisemblable, que Babylone soit un chiffre pour Rome ; mais pourquoi cette curieuse forme de synékléktè, unique dans le Nouveau Testament et, par l’emploi du préfixe syn, typique du style de Pierre? L’auteur, apparemment, voulait éviter le mot «église» et c’est dans cette intention qu’il a fait emploi de cette image de la «Dame élue», que l’on retrouve aussi, sous le vocable èkléktè kyria, dans la 2e Epître de Jean.