Nous parlons de récapitulation. Ce terme est employé dans sa forme verbale par saint Paul, dans Ep 1,10. Il y est question de l’accomplissement des temps, par quoi est désigné le temps de la révélation de Dieu en Christ. Dieu, est-il dit, réalise en ce temps son dessein de salut qui est de « récapituler toutes choses dans le Christ» (ἀνακεφαλαιώσασθαι τἀ πάντα ἐν τῷ Χριστῷ). «Récapituler» qui contient « caput » comme ἀνακεφαλαιώσασθαι contient κεφαλή = tête, et qui rend ainsi de très près le terme grec, signifie littéralement: re-(ἀνα)donner une tête, d’où la traduction suivante de la phrase: «réunir toutes choses sous un seul chef, le Christ». Il est affirmé que ce dernier est la tête, le chef de tout et que cela se manifeste dans son œuvre rédemptrice qui consiste en cela: ramener l’univers entier sous sa seigneurie, autrement dit: détrôner les critères différents et opposés de la réalité empirique dans leur prétention dernière, pour les restituer dans leur vraie relativité et ainsi pour les ouvrir à leur plénitude qu’ils trouvent dans le Christ. La récapitulation implique ainsi une négation, une assumption et un dépassement. « Récapitulation » désigne la triple fonction de la vérité révélée qui est le Christ. La trinité de la vérité qui tient à son caractère pléromatique, fonde à travers le jugement sur la réalité, et à travers l’assomption de la réalité, la transfiguration de la réalité dans le sens de son accomplissement. Rejetée dans sa perversion ou son erreur, assumée dans son intégrité ou sa vérité, la réalité est ouverte par la vérité à sa propre transcendance, à son dépassement. Elle apparaît ainsi comme étant proprement relative, provisoire, en tant qu’avant-dernière; elle annonce plus grand qu’elle. Par là elle est désabsolutisée et ainsi libérée de toute prétention propre. Mais en même temps elle est chargée de sens. Elle n’est pas rien, elle est quelque chose; elle est signifiante de la vérité. La récapitulation de toutes choses dans le Christ donne à celles-ci leur vrai statut. Aussi le thème de la récapitulation, qui est caractéristique de la théologie des Pères grecs qui l’ont repris d’irénée de Lyon, est-il lié chez eux à celui de la transfiguration. La réalité est transfigurée dès lors qu’elle est récapitulée en Christ.