Les animateurs du christianisme social ont-ils été des précurseurs? L’étude que vient de publier Jean Baubérot, le successeur tout récent de Daniel Robert à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, met en garde contre tout anachronisme, mais elle oblige à se poser cette question. Voilà un quart de siècle, on n’aurait pu parler de la modernité théologique de Wilfred Monod ou d’Elie Gounelle sans susciter des sourires attristés et condescendants. Baubérot ne peut être soupçonné de passéisme; encore étudiant, rédacteur du Semeur, il aimait poser des questions désécurisantes et fut l’un des premiers à développer le thème de la « mort de Dieu ». Or, il n’hésite pas maintenant à découvrir d’étonnantes analogies entre les perspectives de W. Monod et celles de Bonhoeffer. Dans sa dernière page, il se demande même, dans la foulée de Marquart, si Barth, qui avait cité élogieusement Monod dans un sermon de 1913, n’a pas été «beaucoup plus dépendant qu’il n’a voulu le reconnaître de la problématique du premier christianisme social » (p. 279). [Jean Baubérot, Un christianisme profane? Royaume de Dieu, socialisme et modernité culturelle dans le périodique “chrétien social“ L’Avant-Garde (1899-1911), Paris, PUF, 1978]