L’exégèse rousseauiste est immense et diverses sont ses manières. Il y a la manière polémique : Rousseau est un penseur qui soulève les passions, et bien des critiques le prennent à partie, plus soucieux de discuter, de le réfuter, que de le comprendre. Il y a la manière psychologique : le critique se propose de «dévoiler» Jean-Jacques, il cherche les racines de sa culpabilité, commente ses relations avec les femmes, suit les progrès de la paranoïa. Il y a la manière philosophique ; le critique s’en tient à l’œuvre, il suit le progrès de la pensée, il fait voir « l’ordre des raisons », il explique les textes par les textes. Victor Goldschmidt n’est pas de ceux qui en prennent à leur aise avec Jean-Jacques «comme aiment à l’appeler certains interprètes, sans doute familiers de l’auteur» (écrit-il ironiquement, p. 124). Il n’a garde de surprendre son auteur «dans des textes, et des documents, qui n’étaient pas tous destinés à la publication ni, surtout, censés renfermer sa pensée proprement dite» (p. 12 — pour distinguer il se réfère à la Lettre à Malesherbes). Il s’abstient d’infliger à Rousseau ces manipulations, ces projections de fantasmes qu’il dénonce dans l’exégèse nietzschéenne (p. 14-15). [Victor Goldschmidt, Anthropologie et politique, Les principes du système de Rousseau, 1974.]