Dans ses recherches visant à déterminer « ce qu’est l’être, c’est-à-dire la substance (οὐσία)», au livre Z de la Métaphysique. Aristote déclare qu’il faut déterminer en priorité la substance en tant que le sujet ou substrat (ὐποκείμενον) «dont tout le reste est dit, tandis que lui-même n’est plus dit d’un autre» (Z 3, 1028b 36-37). Mais, ajoute-t-il, «cela est insuffisant» (1029 a 9), car une telle perspective entraine la réduction de la substance à la matière indéterminée, ce qui est «impossible» (1029a 27). Ce texte affirme donc à la fois le primat et l’insuffisance du sujet ou substrat comme marque essentielle de la substance. Pour échapper à cette contradiction, tous les interprètes — depuis saint Thomas en tout cas — ramènent l’insuffisance à une simple obscurité: c’est faute d’être suffisamment élucidé que le sujet se réduirait à la matière; mais, une fois défini d’une manière adéquate, il pourrait être identifié à la substance. A cette interprétation traditionnelle s’oppose l’interprétation nouvelle que développe Rudolf Boehm dans son ouvrage Das Grundlegende und das Wesentliche. Bien que R. Boehm se soit fait connaître par d’importants travaux sur la phénoménologie et par sa participation à la traduction française de Sein und Zeit de Heidegger, cet ouvrage n’a guère suscité d’écho, comme en témoigne la rareté des comptes rendus. Cette circonstance nous autorise à présenter sa version française, remarquablement établie et préfacée par E. Martineau, comme un travail original. [R. Boehm, Das Grundlegende und das Wesentliche. Zu Aristoteles’ Abhandlung « Ueber das Sein und das Seiende», La Haye, M. Nijhoff, 1965]