Récemment, un nouveau projet de constitution fédérale a été soumis aux organismes et aux citoyens de ce pays. A comparer le projet final aux différents documents de travail jalonnant l’histoire de son élaboration, on observe certains flottements dans la place et le rôle attribués aux droits fondamentaux. Différentes conceptions se sont affrontées. Ainsi on peut constater que le document de travail I (traduction en dispositions constitutionnelles des conclusions du groupe de travail Wahlen) fait explicitement référence, dans son préambule, à certains principes de droit (« liberté », « dignité », « droits de l’homme », etc.) et qu’ils y jouent un rôle considérable, puisqu’ils déterminent la limite de «tout pouvoir». En revanche, le document de travail II (projet de constitution réduite à l’essentiel) se montre parfaitement ignorant de tous principes fondamentaux. Le projet final, quant à lui, mentionne bien certaines valeurs dans son préambule (« liberté », « bien-être », « paix du monde », etc.), mais il ne les déclare pas explicitement comme des principes contraignants; de plus, dans la première partie du projet, les buts de l’Etat ont la préséance sur les droits fondamentaux. Cet état de fait reflète donc que, derrière l’élaboration d’un projet de constitution, s’annonce le problème d’une théorie générale de la justice qui distingue et situe, les uns par rapport aux autres, différents niveaux de réflexion.