Aristote écrit, au livre Z de la Métaphysique (ch. 3, 1028 b 35), que l’essence (οὐσία) a plusieurs acceptions, dont l’une est τὸ τί ἦν εἶναι. Comme il semblait difficile de saisir de façon directe le sens de cette formule «dont l’obscurité est proverbiale et qui a suscité une littérature considérable» (J. Brunschwig, cf. Bibliographie ci-dessous [14], p. 119), beaucoup d’interprètes ont tenté de le déduire contextuellement dans les principaux passages où elle apparaît (Métaphysique, aux livres Z et H notamment, Topiques, Seconds analytiques. De l’âme. Parties des animaux). Toutefois, le caractère très disparate des résultats ainsi obtenus rend manifeste l’incerti¬ tude de ce procédé, qui n’aboutit qu’à remplacer l’obscur par de l’obscur. Τὸ τί ἦν εἶναι a reçu de la sorte les désignations suivantes, diverses et tout aussi énigmatiques que l’original: quiddité, essence, âme de la substance (Nafs al-jawhar des traductions arabes, dont on a rapproché aussi la tournure retenue par J. Brunschwig: «l’essentiel de l’essence»), ou encore « das vorgängige und durchgängige Was des Seins von Seiendem » (K. H. Volkmann-Schluck, [17]). Ce n’est pas ce type de traduction que je me propose d’étudier ici mais différents essais d’interprétation empruntant une voie non plus détournée et contextuelle, mais directe: celle de l’analyse grammaticale. Cette orientation, qui semble attirer aujourd’hui un nombre croissant de philologues, m’a paru plus proche de l’intention qui a vraisemblablement présidé, chez Aristote, à la création de la formule τὸ τί ἦν εἶναι comme je vais essayer, du moins, de le montrer ici.