Tout est déjà donné, chez Jérémie, dans le premier mot du livre: debārīm, qu’il ne faut pas traduire par « paroles » seulement, mais par « faits et gestes», «actes», «histoire». Comme dans le cas d’Osée, dont Jérémie s’est inspiré, la Parole n’est pas seulement « adressée à », mais elle parle par le prophète, par sa vie. « La vie d’un homme de Dieu est une parole de Dieu » (Vinet). C’est pourquoi, la présence, à côté de la source dite A, celle des « dicts » de Jérémie, de la source dite B, où l’on parle du prophète à la troisième personne, est si importante. Parole et Histoire sont chez Jérémie inextricablement mêlées, car nul parmi les prophètes hébreux n’a été plus imbriqué que lui dans les débats politiques de son temps. L’extrême subjectivité va de pair ici avec une exigeante présence à l’histoire. Toute interprétation de Jérémie doit donc se mesurer à ce paradoxe apparent: comment se fait-il que le plus personnel des prophètes, avec cette expérience intime de Dieu qui le caractérise, soit en même temps le plus «politique» et le plus internationaliste?