L’immatérialisme de Berkeley paraît une doctrine curieuse et, comparée aux grands systèmes philosophiques, semble un jeu d’esprit sans conséquence. Du vivant même de Berkeley, l’immatérialisme a été tourné en ridicule et caricaturé: Berkeley supprime la réalité, transforme le monde en un rêve inconsistant, où les choses se changent en idées, le monde entier en songe subjectif. S’il n’y a point de matière, c’est la résistance effective du monde extérieur qui disparaît: tout devient fumée, irréalité, «esprit». A quoi sert de réfuter une telle doctrine, qui se réfute elle-même et que l’on peut reléguer au rang des utopies? Voie sans issue, l’immatérialisme, dans le sillage de Locke, Descartes et Malebranche, apparaît comme l’une de ces formations invivables que produit l’évolution et qui meurent bientôt, faute de force et de faculté d’adaptation.